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jeudi 23 octobre 2008

St Lambert au début......

Dans ce troisième entretien avec le cousin Hervé, je me suis appliqué à ne poser que des questions d’ordre général. Je voulais avoir une meilleure idée de l’aspect physique des habitations à St Lambert et du quotidien des habitants.

Les quatre familles n’étaient pas toutes ensembles. Les familles de Henri et de Damien se faisaient face alors que les deux autres, Gauthier et Morin étaient à environ 1 mile plus loin.
Ces habitations étaient des camps en bois ronds avec un endroit pour la cuisine et les chambres à coucher. Celles-ci étaient séparées non par des cloisons, mais par des couvertures ou du tissu. Il y avait une chambre pour les parents ou logeait sans doute aussi le dernier bébé. Une autre pièce était pour les enfants ou il y avait un grand lit ou couchait tous les enfants, les garçons d’un coté, les filles de l’autre.

Le lit était comme une grande boite en bois sur pattes. Pour matelas on plaçait dans le fond de cette boite, une bonne épaisseur de branches de sapin ou de paille. Le tout était recouvert d’une épaisse courtepointe pour éviter que la peau ne soit irritée par les aiguilles de sapin ou la paille. Les couvertures du temps étaient presque toutes des courtepointes que les dames faisaient ensemble en discutant de leur quotidien. Les métiers à tisser pour les catalognes n’étaient pas encore en service.
Il est à supposer que les draps et les taies d’oreillers étaient probablement fait de sacs de farine ou de sucre. Dans ces temps là, ces deux sources de nourriture étaient emballés dans de grands sacs de 50 ou 100 livres. Une fois lavés blanchis et cousus ensembles, ils étaient très utiles aux pauvres colons du temps.
Les sacs de sucre étaient d’un tissu « plus fin » dit cousin Hervé et ils servaient à faire des sous-vêtements et des linges à vaisselle.

Pas de moustiquaires, les mouches et les maringoins s’en donnaient à cœur joie dans la maison et les habitants. Les mamans concoctaient une potion anti-insectes avec des branches de sapin, de l’huile à lampe et de la vaseline. Cette lotion n’avait malheureusement pas toujours le succès espéré. Certains enfants se retrouvaient quand même avec une multitude de boursouflures qu’il fallait essayer de soulager d’autres façons. Les branches de sapins servaient aussi à « essayer » d’éloigner les moustiques.
Il n’y avait pas de grande variété pour nourriture. Souvent les pommes de terre étaient au menu pour les trois repas quotidiens.
Le dernier Noël avant le décès de son père fut bien mémorable. Les tantes, sœurs de sa mère étaient venues de Montréal pour passer quelques jours. Elles avaient apporté des surprises pour la famille. Il n’y avait pas d’église ou de prêtre à St Lambert et La Reine était trop loin pour la messe de minuit. Le jour de Noël, la maman avait posé sur la table une nappe blanche (du jamais vu) et sur le milieu de la table un grand plat avec des fruits ; pommes, oranges bananes. Les enfants regardaient ces « choses » mais ne savaient pas ce qu’ils pouvaient faire avec. Les parents avaient du expliquer qu’ils pouvaient les manger. Quelle grande surprise ! C’était la première fois qu’ils voyaient des fruits.
Tellement difficile à imaginer pour nous et notre temps d’abondance.

Les paroissiens qui voulaient aller à la messe devaient aller à La Reine. Quand les enfants étaient en âge de faire leur première communion et confirmation, ils devaient premièrement « marcher au catéchisme ».
Sur une période de deux semaines, un enseignement spécialisé sur ces deux sacrements était obligatoire.
Cousin Hervé se souvient que pour ce faire, il avait du demeurer chez les grands-parents Riopel à La Reine, durant cette période. Le voyagement à cheval de 4 heures par jour entre les deux endroits aurait été tout a fait impensable. Il y avait aussi une autre élève de St Lambert en pension chez les grands parents Riopel, une Larochelle.
Quand le jour de la première communion arriva, le père et le fils firent le voyage vers La Reine avec grande anticipation. En arrivant chez Mr Dessurault, le jeune Hervé assoiffé par la chaleur et ce long voyage avait été boire un bon verre d’eau.
Il se rappela quelques minutes plus tard qu’il avait fait grand erreur. Dans ce temps là, il n’était pas permis de boire ou manger à partir de minuit avant d’aller communier. Tout anxieux et se sentant coupable, il raconta à son père ce qu’il avait fait. Son père lui dit de ne pas s’inquiéter qu’il expliquerait au curé la situation et que tout s’arrangerait.
Malheureusement, il n’en fut pas ainsi, le curé refusa de lui faire faire sa première communion avec les autres enfants des paroisses avoisinantes.
Ce fut une bien grande déception pour le papa et le fils. Le voyage de retour se fit dans la tristesse.
Les enfants des deux familles Melançon jouaient souvent autour des hommes qui travaillaient à défricher et à faire la route.

Pour ce qui est du linge que les gens portaient pour se protéger des hivers rigoureux,cousin Hervé se souvient que la toile que nous appelons denim aujourd’hui, était ce qui coupait le vent avec le plus de succès. Les manteaux en étaient donc fait et doublés de tissus plus souples. Il y avait aussi les combinaisons de laine que les gens portaient sous leurs vêtements sans oublier les mocassins fabriqués par la grand-maman Melançon.
Les hivers étaient parfois tellement froids que pour empêcher que les animaux gèlent, on devait faire du chauffage dans l’étable.

Cousin Hervé âgé de 19 ans revint en Abitibi pour y travailler. Il y resta deux ans et demeura chez nos grands-parents Melançon.
Il avait été pensionnaire dans un collège pendant 3 ans, assez longtemps pour réaliser que non, il n’avait pas la vocation pour devenir prêtre.
C’est au collège qu’il apprit le décès de Philippe, le jeune enfant de nos grands-parents décédé à l’âge de 9 ans. Philippe avait été avec Jean Paul les cousins avec qui il avait partagé ses journées quelques années auparavant. Cette nouvelle l’avait complètement dévasté.
De retour à St Lambert 7 ans plus tard, il fut accueillit avec beaucoup de chaleur et de générosité par la famille de nos grands parents. La maisonnée bourdonnait de vie et de longues conversations. Tante Georgette Riopel enseignait à St Lambert et elle aussi avait sa chambre en haut chez Damien et Jeanne. Philippe, le cousin qu’Hervé avait bien aimé pour sa simplicité sa douceur et son intelligence, n’y était plus. Jean-Paul cependant, à 16ans était un adolescent qui était curieux de tout. Il posait sans cesse des questions à son cousin sur sa vie des dernières années loin de l’Abitibi.
Cousin Hervé aidait ses cousins à faire du bois ou autres tâches autour de la maison.

À la fin de notre conversation deux petites anecdotes qu’il ma raconté.
Au décès de notre grand-père Damien, il se souvient de l’exposition du corps au sous-sol de l’église. Il était devant le corps à se souvenir du passé et en lui parlant dans sa tête, quand une grosse mouche est venue se poser sur le visage de Damien.
Il donna une claque sur la mouche en disant assez fort; DÉCOLE DE LÀ TOI !
Il riait quand il m’a raconté ça.
Il m’a mentionné avoir visiter Jean Paul et Laurette et « leurs quelques enfants » en 1947. Il m’a dit avoir une photo de cette visite. J’étais très surprise et oui bien sur que je voudrais une copie, que je lui dis.
Je lui ai parlé hier pour lui annoncer qu’ayant l’occasion d’aller à Montréal la semaine prochaine, j’irai la chercher en personne. Je lui ai aussi mentionné que Gérald Pagé, qu’il n’a pas vu depuis longtemps, sera aussi du voyage. Il semblait très heureux de cette nouvelle. Il a tout de suite suggéré que nous allions manger ensemble au….Château !(sûrement un bon restaurant!)
Nicole St Georges, sa filleule, tient aussi à le visiter et elle sera la surprise de la deuxième journée de visite.
Si cousin Hervé est heureux de notre visite, il ne peut s’imaginer ce que cette première rencontre représente pour moi !
Pour tout ce qu’il me raconte du passé de mes grands-parents, je lui serai toujours reconnaissante. Je remercie le ciel d’avoir la chance de le rencontrer.
Nous aurons sûrement deux jours chargés d’émotion. Je suis prête, moi et mon « enregistreur vocal numérique » acheté cet après midi.

jeudi 16 octobre 2008

Le retour à St Côme de la famille Henri Melançon

Le retour à St Côme

Le but de mes conversations avec le cousin Hervé Melançon est toujours avec l’espoir d’y entendre quelques informations sur nos grands-parents Damien et Jeanne ou arrières grands-parents Melançon.

À défaut de ces informations plus personnelles, je prends de bon gré toutes autres que le cousin Hervé me fournit. Pour les familles de Damien ou de son frère Henri, le quotidien à St Lambert il y a 80 ans devait bien se ressembler. Je suis par contre bien réaliste sur le fait que la vie, fut de beaucoup, plus tragique pour la famille d’Henri que pour celle de notre grand-père Damien.
Sur le blogue précédent, je vous ai mentionné le décès de son père un 31 décembre.
La famille déménagea à St Côme à la fin de mars de la même année. Cousin Hervé se souvient très bien de ce fameux voyage. Sa mère et trois de ses enfants s’étaient embarqués sur le train à La Reine. La maman enceinte de 7 mois apportait seulement ce qu’elle avait pu placer dans une grosse malle à couvercle bombé ; du linge et quelques effets personnels. Elle avait laissé les meubles, probablement à nos grands parents ou aux autres familles.
Sa mère semblait contrôler assez bien sa grande peine. Hervé ne se souvient pas de l’avoir vu pleuré. Il faut se rappeler que la maman avait du sang irlandais. Les Irlandais sont bien connus pour avoir un bon contrôle de leurs émotions dans les situations tragiques.
Je peux m’imaginer que le départ de cette famille de St Lambert, une des 4 qui y habitaient, laissa un bien grand vide dans celle de nos grands parents et leurs enfants . Les cousins avaient grandi ensembles. Il faut se rappeler qu’il n’y avait pas encore d’école pour occuper les enfants durant le jour. La tâche d’institutrice retombait sur les épaules des mamans pendant ce temps là. Celles qui le pouvaient. Les enfants s’occupaient à certaines tâches avec les animaux ou rentrer le bois, mais ils avaient aussi beaucoup de temps pour jouer ensemble.

Le voyage vers St Côme avait été interrompu près de Parent, par une tempête de neige, qui immobilisa le train un bon 8 ou 10 heures. Le conducteur du train était venu avertir les passagers qu’il devait arrêter de mettre du charbon pour le chauffage du train de peur d’en manquer pour le reste du voyage. Cousin Hervé se souvient qu’il faisait très froid dans le train. Le conducteur avait eu pitié de sa famille et était venu demander à sa mère s’il pouvait amener Hervé avec lui pour aller chercher des couvertures dans un wagon arrière. Le froid avait été un peu plus supportable sous les couvertures. Les provisions de nourriture disparurent très rapidement de la cuisine et, en pleine nuit, les citoyens de Parent avaient apporté de la nourriture et des breuvages chauds aux passagers pris en otage par la neige.

C’est avec grand soulagement que les familles furent réunies à la gare de Joliette le lendemain après midi.

La grand-mère Mc Gurrin accueillit la famille chez elle. Elle avait une ferme et pouvait au moins nourrir la famille avec des œufs et du lait. Les citoyens de St Côme aidaient du mieux qu’ils pouvaient cette famille en grands besoins. Ils partageaient le peu qu’ils avaient. Les frères et sœurs de feu Henri, avaient eux mêmes de grandes familles ou étaient trop éloignés pour pouvoir aider.
Les poulets continuaient de pondre les œufs et à la fin de leurs jours, les vieilles poules à la peau coriace étaient bouillies avec quelques pommes de terre pour un repas bien satisfaisant.
La ferme était située près d’une rivière. Cousin Hervé se souvient que parfois il ne restait rien à manger et sa mère demandait aux enfants d’aller à la pèche à la truite. Elle spécifiait le nombre exact dont elle avait de besoin. On ne pouvait pas garder les poissons sans moyen de les réfrigérer.

Les enfants allaient à la cueillette des petits fruits pour les vendre et pouvoir acheter d’autres produits de la ferme.

La mère d’Hervé était bilingue et avait parlé français le temps qu’ils avaient vécu à St Lambert. De retour à St Côme et demeurant chez la grand-maman irlandaise, la maisonnée parlait maintenant anglais. Tous les soirs, Hervé lisait le journal anglais The Star pour sa grand-mère. Elle était âgée et avait de la difficulté à lire. Le journal hebdomadaire lui apportait quelques distractions et ceci même si les passages lus par son petit fils se répétaient soir après soir…

La naissance du bébé à la fin mai ajouta aux difficultés de la famille. Le bébé, comme s’il avait réagi, dans le ventre de sa mère au choc du décès de son père, ne fut jamais « normal » d’après cousin Hervé. Il pleurait sans cesse et les prières de la famille pour une guérison ne furent jamais exaucées. Le bébé décéda en sept de l’année suivante vers l’âge de 16 mois.

Un mois avant le décès du bébé, la maman avait été hospitalisé à l’hôpital St Luc de Montréal. Dans ces temps là, le mot cancer était tabou et n’était pas utilisé. Il serait tout à fait acceptable de penser que le stress des dernières années et le choc du décès de son mari avaient eu des effets néfastes sur le corps de la pauvre maman. Elle décéda en novembre, deux mois après son bébé.

Hervé se souvient d’être allé la visiter dans les dernières semaines de sa vie. Elle avait toujours beaucoup aimé son fils ainé et elle s’était souvent confier à lui. La dernière fois qu’il la vit, elle lui remit une dernière lettre de recommandations pour lui et les autres membres de la famille. Quelle grande responsabilité pour ce garçon de douze ans. Lui qui avait vu mourir son père un an auparavant.

Il garda la lettre de sa mère pendant 40 ans. Lors d’une réunion de famille, il offrit de la lire aux autres membres de la famille. Ils refusèrent et il finit par jeter la lettre.

Après son décès, cousin Hervé demeura avec sa grand-mère et les autres petits enfants avaient été pris en charge par des oncles et tantes.

Cousin Hervé que je n’ai jamais eu l’opportunité et la chance de rencontrer, est un homme attachant et d’une très grande sensibilité.
Les tragédies de sa vie n’ont pas réussi à l’abattre ou a faire de lui un homme aigrit. Sa plus grande peine des dernières années fut quand le médecin lui a annoncé que la dégénération maculaire dont il est atteint, le rendrait éventuellement complètement aveugle. À cette pensée, il dit encore souffrir d’anxiété certains jours. Quand ça devient trop noir dans ma tête, je me lève, je prends ma cane et je vais marcher .
Il sait que le jour venu ou il sera complètement aveugle il devra changer d’établissement car on ne peut offrir les soins additionnels ou il vit depuis 16 ans.
J’avais presque envie de prier pour que le bon Dieu ne lui impose pas cette autre épreuve.